Virée passion en Allemagne - Le Mercedes-Benz Museum (1/3)
Il existe des voyages que tout passionné se doit de faire. La visite des musées automobiles en Allemagne est incontestablement à classer parmi ces virées incontournables. Il s’agissait d’une première pour ma part, contrairement à mon accompagnateur, largement rompu à l’exercice, et je vous le dis d’emblée : ce fut un véritable feu d’artifice.
Le programme était chargé : départ jeudi 14 mai de région parisienne à 5h30 du matin, direction Stuttgart pour une visite des musées Mercedes-Benz et Porsche, et cap sur la Bavière le lendemain matin pour enchaîner sur le BMW Welt à Munich, et terminer par l’Audi Forum à Ingolstadt, en fin d’après midi, pour un retour en terres franciliennes dans la soirée.
Au terme d'un trajet d’environ 650 km, nous arrivons aux environs de 12h30 dans la capitale du Bade-Wurtemberg, le fief de Mercedes et Porsche, Stuttgart. Nous nous dirigeons directement vers l’objet de notre venue : le Mercedes-Benz Museum. Au vu du paysage automobile, aucun doute n’est permis quant au pays dans lequel nous nous trouvons : la voiture la plus répandue dans la rue est la Golf, les taxis, voitures de police, ambulances… sont des Mercedes : nous sommes bel et bien en Allemagne.
Après avoir arpenté quelques faubourgs de Stuttgart, nous arrivons à proximité de notre destination par le quartier de Bad Cannstatt, le plus ancien de Stuttgart, et dont les rues servaient, officieusement, de pistes d’essais des premiers véhicules roulants de Daimler-Benz. De plus en plus de bâtiments sont ornés de la fameuse étoile, et nous passons devant la Mercedes-Benz Arena, stade de 60.000 places jouxtant les quartiers généraux de Mercedes, puis, non sans avoir croisé le chemin d’un fourgon d’une brigade de pompiers dévolue à l’usine Mercedes, nous finissons par arriver à l’entrée d’un parking souterrain dans lequel nous pouvons voir des cages en verre abritant d’anciens modèles, même le parking a droit à sa décoration. Voilà. Nous sommes enfin dans la place. Et ce n’est que le début.
Après avoir garé la voiture, nous franchissons un sas qui nous amène au rez-de-chaussée de cet impressionnant édifice dédié intégralement à la marque étoilée. Nous prenons la direction du restaurant et je découvre un hall gigantesque parsemé de modèles de divers segments mais relativement peu anciens (nous emploierons ici sans trop de risques le terme de « Youngtimers ») : une 500E W124 côtoie un SL500 R129, une S320 « W140 » pose à côté d’un break 230 TE… tout cela, dans un état neuf. Nous avions oublié l’effet que cela procure, tant il est rare de croiser ce genre d’autos dans la rue, à plus forte raison en France. Voilà qui situe déjà l’ambiance.
Après un repas requinquant, nous nous dirigeons vers les caisses du musée. Celles-ci sont situées à la base d’une véritable cathédrale de béton qui se déploie sur pas moins de huit niveaux, pour une hauteur de 42m… L’ascenseur nous attend, et à l’intérieur de cet ascenseur le spectacle commence déjà : fixé à l’extérieur de la cabine, un projecteur transforme la paroi opposée en mur d’images qui retracent en accéléré les presque 130 ans d’histoire de l’auguste maison…
Ce musée, en forme de cylindre se visite par ordre chronologique de haut en bas : des plus anciens véhicules aux récents prototypes. Le 8ème étage nous fait démarrer ce tour d’horizon avec les premiers engins à roues et à moteur des deux firmes, Daimler et Benz, qui, quoique n’ayant rien en commun à ce moment-là, débutèrent leur activité toutes deux en 1886, trente ans exactement avant de fusionner pour constituer l’entreprise que nous connaissons aujourd’hui.
Nous commençons la descente en colimaçon en arpentant les diverses époques : avant-guerre de 1914, belle époque, moteurs d’avions sont au programme, puis au fur et à mesure que nous descendons, les modèles rajeunissent, mais toujours en conservant une vraie cohérence dans le déroulé, afin de retracer fidèlement les plus de 120 ans d’histoire de la marque.
La chronologie est à peu près la suivante :
- L’invention du concept de l’automobile (Calèches à moteur, tricycle Benz, « Vis-à-vis »…).
- La naissance de la marque Mercedes-Benz (Torpédos, Phaétons, Landaulets…).
- L’innovation (Diesel, compresseur…).
- L’après-guerre : La prise en compte de l’aérodynamique et le progrès technique.
- Les avancées en termes de sécurité (airbag, ABS, concept ESF 22…)
- Le cap sur la mobilité « zéro émission » (Classe A « Necar 4 » véhicules électriques, Classe S « W221 » S400 Hybrid…).
- Les « flèches d’argent » : la course et les trophées à travers les âges (époque Caracciola/Rosemeyer, Fangio, les 190 et Classe C « DTM », la CLK-GTR « FIA GT », la McLaren MP4-14 de Mika Häkkinen et David Coulthard…)
Par ailleurs, chaque étage dispose d’une pièce annexe, appelée « salle des collections » dans laquelle se tient une exposition thématique : les autocars de diverses époques (d’avant 1914 au récent Travego, car « Pullman » qui véhicula la Mannschaft 2014, gagnante de la dernière coupe du monde de football), les camions (camion plateau de la 300 SLR, bureau de poste mobile de la poste autrichienne...), les véhicules « besogneux » (Break Classe C de la Police, camion chasse-neige Unimog, Sprinter Ambulance de la Croix Rouge, bus de ville…), les véhicules de célébrités (SL 500 de Lady Di, Papamobile, 770 Grosser de l’empereur Guillaume II, puis un autre exemplaire ayant appartenu à l’empereur Hirohito du Japon, 190E AMG « ex » Ringo Starr…).
En ce moment, une exposition passionnante est en cours : elle concerne l’étonnant prototype C111 qui fut lancé à la fin des années 60, dans l’idée de succéder à la mythique 300 SL, et qui se prolongea dans la décennie suivante en se déclinant en plusieurs motorisations. Il débuta avec des moteurs rotatifs, la C111-II extirpa même 350cv de son moteur Wankel quadri-rotors, lui autorisant une vitesse de pointe supérieure à 300km/h, mais, dans le contexte de crise pétrolière propre au milieu des années 70, la C111-II reçut, en 1976, un 5 cylindres Turbo Diesel (celui qui équipera en série la 300 SD destinée au marché américain, deux ans plus tard), dont les performances avaient de quoi laisser sans voix, quand on connaît les caractéristiques des Diesel d’époque puisque sa puissance était de 190cv. Une version C111-III portée à 231cv fut même développée en 1978 et elle pulvérisa les records préalablement établis sur l’anneau de vitesse de Nardo en Italie avec la précédente version : elle boucla un tour à la vitesse maxi de 327,3km/h et établit sur 12h de roulage, une moyenne de 314,463km/h.
A la lumière de ces faits, je vous laisse le soin d’imaginer la capacité d’innovation, la puissance, les sommes investies en recherche & développement et la détermination qui caractérisent Mercedes, pour se permettre de pousser aussi loin l’aboutissement d’un prototype qui n’aura jamais connu de suite commerciale directe. Le C111 fut un véritable laboratoire, et il posa non seulement les jalons de la conception assistée par ordinateur en automobile, mais aussi ceux du moteur Diesel hautes performances : c’est du moteur qu'il utilisa que découlera plus tard la série des Mercedes « 300 TD » qui comptèrent parmi les moteurs diesel les plus performants au monde.
Voilà une différence avec les concept-cars français présentés sous les feux des projecteurs dans d’importants salons, qui sont parfois très aguichants, mais dont peu de traces tangibles seront laissées sur des véhicules de série. Nous avons donc pu admirer dans cette salle, toutes les versions du C111, de la première à la dernière mouture, de même que d’autres prototypes comme le C112 de 1991, équipé du moteur V12 6.0 de la 600 SE/SEL d’époque.
Dernier étage avant le retour à la case départ, nous croisons la route de quelques prototypes, dont la F200 « Imagination », une étude de style présentée au mondial de Paris en 1996, qui donna naissance, deux ans plus tard, toujours à Paris, à la renversante Classe S « W220 » : d’ailleurs, les optiques avant semblent avoir été reprises telles quelles du prototype. Nous avons également vu le très ludique concept « F400 Carving », dont le carrossage des roues pouvait s’incliner de quelques degrés, afin d’accroître la tenue de route et le pouvoir directionnel. Malheureusement, cela restera un délire d’ingénieur car le système n’a pas connu de suite commerciale. Trop de contraintes techniques à la clé, sûrement.
Une fois de retour au hall d’entrée, nous nous retrouvons au point de départ : entre le restaurant et la boutique, dans laquelle nous entrons afin de pouvoir repartir avec des souvenirs. Une fois nos emplettes effectuées, une autre entité s’offre à nous.
Celle ci est dévolue aux véhicules modernes. Une sorte de showroom géant, mais garni de modèles « légèrement » plus désirables que des Classe A 160 CDi ... Au programme : Classe S berlines et coupés, SL, gamme AMG… et même une «friandise exotique » dont nous avons pu avoir la primeur : « Otto », la 300 GD de 1989 qui emmena sans faillir un couple de globe-trotters parcourir quelque 890.000km en 25 ans à travers le monde entier, s’offrait quelques instants de répit au musée Mercedes, avant d’entreprendre une « tournée des concessions ».
C’est donc à la fin de cet après-midi qui s’est pour moi apparenté à celui que vit un enfant de 5 ans dans un immense magasin de jouets en période de Noël, que nous redescendons au parking, afin de prendre le chemin du musée de l’autre marque locale, qui fera l’objet d’une prochaine parution : Porsche.
A suivre, du côté de Zuffenhausen…
Texte & Photos: Anthony Desruelles et Nicolas Fourny