Virée passion en Allemagne - le Porsche Museum (2/3)
Après une première partie d’après-midi fort agréablement passée au Mercedes-Museum, nous décidons, vers 16h, de mettre le cap sur Zuffenhausen. Ce nom est évocateur pour les amateurs de voitures, car c’est celui du quartier qui abrite les installations de l’autre constructeur de Stuttgart : Porsche. Nous ne pourrons hélas pas visiter l’usine qui fabrique les 911, Boxster et Cayman, car il faut être membre d’un club Porsche pour cela. Nous nous en tiendrons donc au Museum. S’il est de la même qualité que celui que je viens de découvrir, ma foi, je m’en accommoderai.
Fort logiquement plus petit (6500 m2), ce bâtiment ne manque pas de m’étonner avant même que nous y entrions. D’une forme insolite, il semble être un objet tombé du ciel en plein sur la Porscheplatz, à la manière du monolithe du film « 2001, l’Odyssée de l’Espace ».
Une fois à l’intérieur, je prends la mesure de l’importance que revêt ce lieu. C’est toute l’histoire de Porsche qui y est exposée. Des pans entiers de l’histoire automobile furent écrits ici. C’est à deux pas de là que la fameuse Volkswagen Coccinelle, conçue par Ferdinand Porsche, fut construite en 1938, suivie en 1939 par la Type 64, l’ancêtre de toutes les voitures de sport de la marque. En 1948, la première 356 vit le jour.
En parlant de 356, c’est la première voiture que nous avons vue, une fois que nous nous sommes acquittés de l’achat des billets et que l’escalator nous a conduits à l’étage. L’exposition commence avec ces premiers modèles, dérivés de la Coccinelle, mais contrairement au Mercedes-Benz Museum, dont la visite est remarquablement structurée en fonction des époques et des catégories, la taille plus restreinte du Porsche Museum fait que la traversée des époques est plus rapide. Par conséquent, on passe plus vite d’un modèle à l’autre mais toujours en respectant une chronologie cohérente.
Les 356, en versions civiles et de course (356B 2000 GS Carrera GT), 550 Spyder et même… un Tracteur Diesel rouge (comme quoi, le Cayenne ne fut pas le premier véhicule diesel de la marque…) représentent les années 50 / 60. Les « sixties » ont une importance capitale pour la marque car c’est au début de cette période qu’est née l’icône, le modèle emblématique qui fait encore référence de nos jours : la 911.
Nous arrivons vite sur la première version de la 911, datée de 1963, motorisée par un Flat 6 de 2.0 d’une puissance de 130cv, et pourvu d’un flamboyant intérieur rouge. Cet exemplaire côtoie une 912, qui fut la version « d’entrée de gamme », et à laquelle on avait retiré deux cylindres. Mais celle-ci ne connut pas une longue carrière, faute de succès commercial.
Notre cheminement fait ensuite place assez vite aux années 70, toujours en proposant des véhicules routiers auxquels viennent se mêler des autos de compétition, rappelant à cet effet la présence de la course automobile, toutes époques confondues, dans l’ADN de la marque. Ainsi, alors que nous croisons la première génération de 911 Targa, l’allée en face expose la très impressionnante 917, qui participa aux 24 Heures du Mans à partir de 1969, dans ses versions « LH » (pour Lang Heck, « queue longue » ) et « KH » (pour Kurz Heck, « queue courte »).
Puis, d’autres voitures de série font leur apparition : la 914, roadster « accessible » créé pour ramener la clientèle « perdue » de la 356, notamment les plus jeunes. Elle fut conçue en collaboration avec Volkswagen, et des versions à quatre cylindres (914-4) existèrent aux côtés de versions équipées d’un Flat 6 2.0 litres (914-6). Cette voiture, vendue par l’importateur français Sonauto sous la double marque « Volkswagen-Porsche » fut un échec en Europe mais se vendit honorablement aux Etats-Unis.
Le voyage dans les années 70 se poursuit avec deux autres modèles issus de cette période, mais ne jouissant pas du tout de la même aura, qui croisent notre cheminement : la première 911 Carrera RS 2.7 et son fameux aileron « queue de canard », qui précède une 924 2.0L dans un vert pomme tout à fait dans le contexte contemporain. Il s’agit là d’un vrai grand écart qui oppose la première 911 optimisée pour le circuit et le pilotage avec une « PMA » (Porsche à Moteur Avant) voulue pour étendre la clientèle via un modèle plus accessible, et conçue une nouvelle fois en étroite collaboration avec Volkswagen, et plus particulièrement Audi, puisque c’est la 100 « C2 » qui fournira le moteur 2.0 d’une puissance de 125cv (le haut moteur fut développé par Porsche, toutefois), ainsi que la boîte de vitesses.
En dépit des railleries dont elle fut l’objet (Porsche du pauvre, Porsche Fuego, en référence méchante au coupé Renault sur base R18 qui ne sortit cependant que cinq ans après la 924), cette voiture et ses évolutions (944, 968) s’est bien vendue et apporta des bénéfices bienvenus pour ne pas faire sombrer Porsche dans une monoculture « 911 » qui aurait pu lui être fatale. L’histoire se répéta au milieu des années 90 à la sortie du Boxster, qui fut une bouffée d’air frais pour le constructeur.
Revenons à notre visite et changeons de décennie pour aborder maintenant les années 80 et la 911 « Série G ». Nous tombons sur une très belle Carrera 3.2 Speedster, puis un cabriolet Turbo dont la fiche d’informations révèle de surcroît la présence d’une transmission intégrale. Il s’agit de la première 911 à quatre roues motrices (c’est le prototype exposé au Salon de Francfort en 1981, qui annonçait à la fois la 964 de 1988 et le cabriolet Turbo 3.3 de 1987). Nous poursuivons sur un couloir rendant hommage aux moteurs. Ainsi, nous avons des Flat-6, atmosphériques et turbocompressés qui s’offrent à nos appareils photo, de même que l’impressionnant 12 cylindres à plat de la 917, qui plus est en schéma éclaté.
Pour rester dans l’univers du sport automobile, tout près de là, quelques-uns des nombreux trophées remportés par Porsche sont rassemblés et suspendus. Cela a le mérite de mettre les choses « en perspective » et de donner une idée du poids de la marque dans l’univers de la compétition automobile.
Un bond dans le temps s’effectue puisque nous passons maintenant à l’époque « moderne » : les années 90 à nos jours. Une 911 GT1 dans sa version course est exposée, portière ouverte pour permettre au public de visualiser le cockpit, aussi impressionnant que confiné. Cette voiture fut la dernière Porsche à remporter les mythiques 24 heures du Mans, et après quelques mots échangés avec une hôtesse, la volonté de s’imposer dans la prestigieuse épreuve Sarthoise cette année est plus que manifeste : la troisième 919 Hybride qui manquait l’année dernière a clairement pour but de renverser le leadership d’Audi.
La version de route de ce monstre de puissance est visible quelques mètres plus loin, de même qu’un prototype « LMP2 » RS Spyder, qui courait en American Le Mans Series entre 2005-2010, une 911 type 996 « Targa » et une reproduction à l’échelle 1 de la voiture-personnage « Sally Carrera » du film d’animation « Cars ».
La suite du parcours nous permet de voir une partie de la lignée des 911 Turbo réunies, de la virile « 930 » à la dernière « 991 » Turbo S en passant par les 965, 996 et 997 : ces autos deviennent à chaque génération toujours plus efficaces et faciles à appréhender, tout en ayant des performances que bien peu de voitures peuvent dépasser.
Un temps d’arrêt est à présent nécessaire devant cette fantastique voiture que je n’avais jamais vue, même dans un salon, et qui m’avait particulièrement marqué à sa sortie en 2002 : la Carrera GT et son V10 atmosphérique de 612cv. Même si mon cœur penche un peu plus pour un autre cheval cabré, italien celui-ci, je reste admiratif du degré d’aboutissement des Porsche en général, et des supercars en particulier. La lutte que la Carrera GT engagea avec la Ferrari Enzo est, selon moi, un événement majeur du début des années 2000 dans le monde de l’automobile. Exactement comme celui qui confronte aujourd’hui la 918 Spyder et LaFerrari.
Cela tombe bien, car, en guise de fin de visite nous arrivons sur une plateforme qui expose une 918, dans sa livrée noire « Martini Racing ».
Instant rare, car à mon avis, nous ne sommes pas près d’en revoir une de sitôt. A moins de revenir. Ce que nous ne manquerons pas de faire tant cette découverte du musée Porsche m’a plu, mais avant de revenir, n’oublions pas que notre périple n’est pas encore terminé… Le lendemain, nous nous mettrons en route pour la Bavière afin de découvrir le BMW Welt / Museum et l’Audi Museum Mobile.
A suivre… du côté de Munich.
Texte & photos: Anthony Desruelles et Nicolas Fourny